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Si les pires craintes – comme l’explosion de la centrale électrique, comparable à l’événement de Tchernobyl en 1986 – semblent avoir été écartées, la situation est alarmante. Le professeur Guy Marleau, qui enseigne le génie nucléaire depuis plus de 30 ans à Polytechnique Montréal, analyse deux scénarios possibles.
La situation présente
“La situation est très préoccupante”, commente d’emblée le professeur Guy Marleau. Mais une explosion de la centrale à la suite d’un bombardement est peu probable, car ce type de centrale est très bien protégé. “Une armature de béton peut résister à un crash d’avion”, explique M. Marleau.
Il explique que le personnel du bureau est de nationalité ukrainienne, tandis que le nouveau locataire est russe. C’est une situation extraordinaire où les nations ennemies doivent coopérer. “Cela crée des tensions”, dit-il.
Une équipe internationale de sûreté nucléaire est arrivée sur le site mardi et procède à des inspections. Une opération routinière en temps normal, mais qui prend une tournure particulière en temps de guerre.
Des représentants d’une douzaine de pays doivent vérifier l’état des six réacteurs, dont cinq ont été arrêtés ces dernières semaines.
Il y a quelques jours à peine, l’usine a dû recourir à des générateurs diesel de secours en raison d’un manque d’électricité.
Face à un danger imminent, les autorités ont distribué des pilules d’iode à la population autour de Zaporijia. Pourquoi;
« L’iode se dépose très rapidement dans la thyroïde. Quand on donne de l’iode stable, ça sature la glande », explique le professeur Marleau.
Il vaut mieux que cet iode soit stable que radioactif. Si la pièce est prise, l’iode radioactif ne sera pas absorbé par l’organisme. Le risque de cancer est réduit.
1. Le scénario pessimiste
Situation provoquée : la guerre s’enlise et la centrale est coupée de son alimentation électrique.
“Nous avons 90 minutes !” résume le professeur Marleau lorsqu’on lui demande ce qui se passerait si un réacteur nucléaire cessait d’être refroidi par un système de pompage. Dans les minutes qui suivent la surchauffe, des fuites radioactives peuvent se produire dans le ciel ukrainien.
Toute centrale nucléaire doit être refroidie en permanence par une grande quantité d’eau, tout comme le système de refroidissement de nos moteurs de voiture. Sinon, une surchauffe peut faire fondre le carburant.
C’est ce qui s’est passé à Fukushima, au Japon, lorsqu’un tsunami a coupé l’approvisionnement en électricité. Étonnamment, l’usine a été inondée, mais les pompes se sont cassées, ce qui a été fatal aux conduites de carburant.
Sans refroidissement, les morceaux d’uranium au cœur des six réacteurs peuvent atteindre 2000 degrés. Résultat : ils fondent et tombent au fond de la chaudière.
Cette chaleur vaporise l’eau de refroidissement et augmente la pression dans le réacteur. “Il y a des systèmes d’urgence prévus pour éviter cela, souligne l’expert. Les vannes s’ouvrent pour relâcher la pression. Malheureusement, les fumées radioactives s’échappent avec la vapeur d’eau.
Le panache radioactif pourrait se propager vers l’Ukraine, la Russie, la Roumanie et éventuellement la Suisse et la Hongrie, selon la direction et la force des vents.
2. Le scénario optimiste
Situation provoquée : la guerre se termine dans quelques semaines et les Russes quittent le territoire.
Le personnel ukrainien reprend le contrôle total de l’usine.
Les six réacteurs de la centrale doivent être inspectés en toute sécurité par des observateurs qualifiés.
Il est encore en bon état et peut être redémarré en toute sécurité.
“Les résultats peuvent encore être vérifiés”, assure Guy Marleau, qui précise que ce type de centrale, qui couvre environ un quart des besoins en électricité de la population ukrainienne, est très fiable en termes de sécurité.
Cela dit, l’erreur humaine reste possible dans une situation où les tensions sont extrêmes.
Selon le New York Times, de nombreux experts nucléaires estiment qu’une zone de sécurité devrait être créée autour de la centrale. Ce serait une zone complètement démilitarisée dans un rayon de 30 kilomètres autour de Zaporijia.